Ma vie ces quatre dernières années a été consacrée à la GGR.
Ces 117 derniers jours, je vis et je respire GGR 24h/24. Je connais chaque marin, chaque coup vent, chaque vague. Je peux ressentir leurs émotions et parfois leur douleur. Occasionnellement, j’anticipe même leurs pensées et leurs actions. Nous sommes une petite famille de voyageurs intrépides et d’aventuriers des quatre coins du monde, reconstituant cinquante ans d’histoire dans l’esprit de Sir Robin Knox Johnston et du SUHAILI.
Il n’y a pas de vraies surprises dans ce jeu car tout est permis dans une aventure extrême. Mais parfois, moi aussi je demande POURQUOI? Je ne navigue pas mais je le vis. Dans mon subconscient, je suis à côté d’eux et je me réveille au plus profond de la nuit pour me poser des questions. Vont-ils bien, ont-il froid, sont-ils mouillés, ou même en sécurité? Toute tentative de sommeil par la suite peut être difficile, alors je me lève et vérifie le traqueur comme beaucoup d’entre vous. Je regarde de près les indicateurs.
Parfois, ils appellent. De nouveau, je me réveille aussitôt en trébuchant pour attrapper le téléphone, puis la lumière, un crayon et du papier fin prêt. Leur “SALUT” initial et détendu ne signifie rien pour moi, car ils essayent de garder le contrôle en toutes circonstances. Ce sont les mots qui suivent qui retiennent mon souffle. “Tu quoi? Peux-tu répéter cela.. Tu es OK? Génial! As-tu besoin de quelque chose? Fantastique!” Je respire à nouveau. “Merci d’avoir appelé!” J’essaie de me rendormir, mais j’y arrive rarement, pendant que la nuit laisse place au jour alors que mes doigts continuent de danser sur le clavier. C’est ce que je veux faire, alors ça va. Je le vis avec ma “famille de voile”.
Lorsque cet appel relate un renversement ou un mât perdu, c’est difficile pour nous deux. Quand tout est terminé, nous nous demandons POURQUOI? Je connais personnellement plus de marins qui se sont renversés dans l’océan Austral en gardant leur mât en place, que d’autres l’ayant perdu. Et je suis l’un d’entre eux. Alors, pourquoi quatre gréements de la GGR sont-ils au fond de l’océan ? J’y réfléchis encore, tout comme de nombreux marins. Je n’ai pas de réponse simple pour le moment, si ce n’est de confirmer que ce sont des conditions difficiles dans l’océan Austral. Peut-être même plus difficiles qu’elles ne l’étaient il y a 50 ans. Le climat change dans le monde entier.
Tous les bateaux et gréements ont été complètement rénovés et contrôlés avant le départ. En observant les gréements de la GGR, personne n’a pu remettre en question leur intégrité. Personne ne l’a fait. Ils étaient tous en bon état. Représentant un large panel, tous ont été choisis parmis les meilleures marques de l’industrie, basées sur les normes internationales, et j’en étais satisfait. Au cours des neuf prochains mois, nous étudierons différents aspects, discuterons avec les fabricants de mâts, les gréeurs et les marins eux-mêmes pour voir si des leçons doivent être tirées. S’il y en a, et je l’espère bien, nous donnerons des recommandations aux participants pour la GGR 2022. Ce ne seront pas de nouvelles réglementations (nous en avons déjà beaucoup), car la GGR est destinée aux marins sensés qui observent et apprennent de cette épreuve extrême, et personne ne partirait naviguer bien loin intentionnellement avec un gréement qu’ils considéraient comme tout sauf prêt à affronter le Grand Sud!
À tous les niveaux, la GGR est un défi ENORME, à la fois émotionnel et physique. J’ai répété maintes fois dans le passé que… Le monde n’a jamais rien vu de tel depuis 50 ans. Peut-être aussi que les actualitées et les drames des mois passés ne font que confirmer que le défi d’aujourd’hui est vraiment aussi difficile qu’auparavant.
Et puis il y a Susie! Elle m’a fait vivre les moments les plus difficiles de la course jusqu’à présent. Quelle navigatrice elle est. La plus jeune personne de la flotte avec le courage et la détermination d’un..????? Comment pourriez-vous même la comparer. Depuis le début, elle a tout fait correctement. Elle est toujours là en train de se battre. Elle a eu de sérieux défis qui n’ont rien à voir avec la météo ou le bateau. Les réseaux sociaux peuvent donner l’impression que c’est trop facile ou trop difficile, mais ils ne peuvent jamais vraiment pénétrer dans les profondeurs de l’émotionnel qu’il faut atteindre pour continuer jour après jour. Elle a eu un peu de malchance comme tous les participants. Elle a pris de bonnes et de mauvaises décisions aussi. Mais Susie a peut-être plus de pression que la plupart des autres participants parce qu’elle est la seule femme de la GGR, avec une histoire incroyable et un grand sourire. Sur l’océan, nous sommes tous égaux, mais quand j’ai vu une autre version de la tempête d’ABHILASH et de GREGOR sur le point de se former sur sa position estimée, j’ai pensé… OH NON! Pas Susie…
J’ai vérifié, puis revérifié à nouveau toutes les options de prévisions météorologiques possibles pour lui donner un cap et la faire passer au travers. C’était sans espoir. Je devais lui faire rebrousser chemin! Comment pouvais-je même lui suggérer ça! J’ai vérifié avec Jesse Martin, un autre tourdumondiste en solitaire. Il a convenu qu’elle devait courir, courir vite et courir maintenant. J’ai envoyé le message..SUSIE FAIT DEMI-TOUR! Susie a appelé pour confirmer et a décidé de le faire, ne croyant pas à sa propre décision. Je ne suis pas sûr à quel moment j’ai réalisé que j’aurai préféré naviguer et affronter la tempête plutôt que de rester assis à attendre le dénouement, mais c’est ce que j’ai fait. C’était dur pour moi. Était-ce le bon conseil ou non?. Aurait-elle été renversée, ou démâtée, ou pire? Le temps passait très lentement. C’était mon propre cauchemar qui me rappelait la force et la confiance de la FAMILLE. Je ne suis pas un directeur de course, je suis simplement une famille. Nous sommes proches à notre manière, nous le sommes vraiment. Mais elle l’a fait et c’est son histoire et quelle histoire. Un sponsor pour la GGR nous ferait très plaisir avec Jane, mais cela ne me rendrait pas à moitié aussi heureux que lorsque Susie a appelé pour dire que c’était presque fini !!! C’était génial !!
Vivre la GGR grâce au tracker de Yellowbrick est unique, mais immergez-vous dans les tweets quotidiens et les vacations radios des skippers sur le soundcloud pour obtenir une image complète. C’est une nourriture riche pour votre imagination. Beaucoup nous disent que la course est beaucoup plus connectée et EN DIRECT qu’ils ne l’auraient jamais rêvé. LOIC LEPAGE est parti et il n’en reste plus que huit. Vous pouvez sentir la différence, vous pouvez voir la différence. Qui ira jusqu’au bout? Cette aventure a mûri et, comme beaucoup, je respecte ces huit plus que jamais auparavant. La route est longue et nous ne sommes pas encore à mi-chemin. JL VDH vole tandis qu’IGOR ZARETSKY vit son propre combat à un demi-monde d’écart. C’est une course, une aventure, une lutte pour survivre et une célébration de quelque chose que nous voyons rarement de nos jours.
Une véritable aventure humaine et un courage brut.
Je me demande ce que demain nous réserve?
DON
Fondateur et Président de la course