C’était une décision instantanée pour certains. Pour d’autres, cela a évolué au terme de nombreuses nuits sans sommeil, de sentiments mitigés et d’incertitudes.
Pour certains, c’était de l’excitation pure et l’anticipation d’un rêve devenu réalité. C’est une décision qui a changé et changera leur vie pour toujours. Ils font tous partie de la Golden Globe Race 2018.
Aujourd’hui, à l’approche de l’océan Austral, peut-être pour la première fois pour certains, ils peuvent se demander si c’était-ce une bonne idée?
La course originelle du Golden Globe de 1968 était unique à tous les niveaux. En tant qu’aventure, elle est restée comme un immense souvenir dans la mémoire des marins et des non-marins. Aujourd’hui, aucun autre événement sportif ne peut égaler cette combinaison unique d’aventure épique et d’endurance extrême, de valeurs traditionnelles, d’héritage maritime, de durée et de portée mondiale de la Golden Globe Race. Avant tout, il s’agit d’un (ou une) solitaire, dans un petit bateau faisant face à tous les Océans du monde.
Les meilleurs équipements en matière de sécurité au niveau mondial, et la meilleure formation à la survie font partie intégrante de la réduction des risques pour un voyage de cette ampleur. Les balises EPIRBS et les téléphones satellites d’urgence sont un atout important pour les appels au secours. Rien de cela n’était disponible en 1968. Sir Robin était totalement seul pendant la plus grande partie de son voyage. Bernard Moitessier n’a entretenu aucune communication, à l’exception de sa fronde pour lancer des messages sur le pont des navires qui passaient!
Alors, est-ce plus facile et plus sûr qu’en 1968?
Vous pouvez vous faire votre propre idée mais imaginez cela. Vous êtes en mer depuis trois mois. Il est 2h du matin, le vent hurle à 60-75 nds dans votre arrière, avec 12-15m de houle. Et cela a duré trois jours. Votre régulateur d’allure est mis à l’épreuve, et les petites choses se passent mal à l’intérieur de votre bateau. Tout est humide ou mouillé. Vous êtes inquiet au sujet de votre gréement. Une tempête arrive et BANG ! Vous vous retrouvez couché à plat avec le mât sous l’eau et l’océan Austral qui jaillit par la trappe du cockpit. Il fait 5 degrés à l’extérieur, la mer est encore plus froide et le vent glacé. Vous devez sortir et faire les premières vérifications. Le mouvement est violent! Vous n’avez pas eu de bonnes prévisions météorologiques depuis une semaine et le baromètre a recommencé à baisser. Cela pourrait arriver à de nombreux participants au cours de la GGR.
Aujourd’hui, ce n’est pas la même chose qu’en 1968. Mais ce n’est pas très différent non plus ! Les participants savent que s’ils devaient abandonner leur bateau dans ces conditions, l’EPIRB et le téléphone satellite ne peuvent guère les aider ! Vous êtes totalement seul, dans un monde à part, tout comme Sir Robin. Quand c’est juste VOUS, c’est très personnel!
PAS à propos du tracker, des gagnants ou du classement des leaders! # GGR2018
De retour après quelques jours dans les airs et hors du bureau, j’ai vu la flotte d’une façon très différente lorsque je me suis à nouveau reconnecté. Au lieu de juste jeter un coup d’oeil sur les dernières positions du tracker et sur ceux qui ont progressé dans le classement des leaders, j’ai pensé que la véritable histoire à raconter est celle des participants, de leur attitude et de leurs émotions.
Je suis un peu chanceux car je vois tout ce qui se passe. Nous leur parlons au téléphone pendant leurs appels de vérification de sécurité et surveillons tous les messages. Nous recevons des commentaires de leurs managers sur les vacations radio. Toutes les infos passionnantes que nous essayons de récupérer vont sur la page Facebook GGR instantanément. Mais tout est dans le détail. Cela permet de recréer une image. Cela vous en dit plus si vous le remettez dans le contexte en dehors de la course.
Je peux vous dire que certains commencent à se demander ce qu’ils font là. Ils ont des journées difficiles. Ils commencent à se rendre compte de toutes les choses qui leur manquent et à envisager ce qui va arriver. Ils savent tous ce qui vient.
Loïc n’a pas de radio HF qui fonctionne et est chaque semaine plus isolé et seul. Cela compte. Il commence maintenant à rationner l’eau. Susie est une forte personnalité et fait partie de la GGR pour toutes les bonnes raisons. Elle est au cœur de cette aventure et monte sur les mêmes montagnes russes émotionnelles que celles que vous avez lu dans tous les livres, y compris le Golden Globe de 1968. Personne ne peut savoir ce qu’elle traverse réellement. Mais tout le monde sait et peut voir qu’elle est à la fois une grande navigatrice et une personne ordinaire avec des émotions ordinaires. Parfois, nous plaçons les participants sur un piédestal et pensons qu’ils font cela facilement. C’est un défi difficile à relever et chapeau bas à tous. Et oui, même Susie a de mauvais jours!
Tapio a le moral au plus bas en contemplant le Cap. C’est dans sa voix. Vous pouvez dire “comment le sais-je ?”… vous pouvez juste le sentir. Tous les participants savent que les tweets et les appels téléphoniques vous parviennent. Donc, tout comme dans les publications personnelles de Facebook, nous avons tendance à vivre une vie pour FB… les skippers essaient parfois de faire bonne mine!… Tous ces concurrents sont de vrais personnes qui n’ont rien à cacher. Mais c’est dans les petites choses que nous pouvons voir un changement.
Ok, Capitaine Coconut et Are Wiig sont deux gars qui, si je peux dire “prennent leur pied”! .. pas de questions à se poser. Nous ressentons cela aussi. Mais épargnons les participants un moment. Parler des tableaux de classement et de la distance parcourue et de qui gagne tout le temps peut nous faire oublier ce qu’ils font et ce qu’ils traversent.
La flotte a gagné en maturité. Certains sont partis. En tant qu’organisateur, je suis heureux que tous ceux qui naviguent actuellement soient plus forts que lorsqu’ils ont quitté les Sables d’Olonne. En moins d’une semaine, les meneurs rencontreront l’océan Austral. Peu après, leurs poursuivant aussi. Il n’y a plus de moyen d’y échapper maintenant. Les enjeux deviendront très sérieux rapidement ! Attendez-vous à des prises de décisions et à de vraies surprises de la part des participants.
Bientôt, vous ressentirez une réelle peur dans ces vacations audio et tweets. Pensez à cela.
La #GGR2018 est plus qu’une course. C’est une immense aventure, une renaissance culturelle comme jamais auparavant et nous sommes tous des voyeurs privilégiés d’un groupe exceptionnel de vrais navigateurs, vivant un beau rêve, 24 heures par jour, mois après mois.